Lightroom et « soft proofing »
15 12 2010À bien des titres, Adobe
Lightroom constitue une solution
robuste et efficace pour
l’organisation et le développement
des photos numériques.
Contrairement à Photoshop, Adobe a simplifié à l’extrême la gestion des espaces de couleurs de Lightroom. Simplification qui n’est toutefois pas synonyme d’absence. Au lieu de laisser un choix souvent cornélien à l’utilisateur, Adobe a pris le parti d’imposer un espace de travail unique (le très étendu ProPhoto) et la prise en compte de l’espace de l’appareil photo est faite de manière transparente. Certains utilisateurs regrettent cependant l’absence de possibilité d’effectuer une opération de « soft proofing » – connu sous le nom d’ »épreuvage » en français (?) – , c’est à dire de simuler à l’écran ce que sera le résultat de la restitution sur un média particulier (sur une imprimante jet d’encre, un tirage labo. ou tout autre média de restitution).
Le plug-in « SoftProof » développé spécifiquement pour Lightroom par Jim Keir [a] vient combler ce qui pour l’instant pourrait être considéré comme une lacune de Lightroom.
Nous allons dans la suite décrire son fonctionnement, ses avantages et ses inconvénients et illustrer l’ensemble de manière pratique en prenant comme exemple son utilisation dans le cadre de la mise au point d’un tirage papier chez Photoweb (ce laboratoire français de tirage en ligne offre des tirages de bonne qualité et propose à ceux qui le souhaitent la possibilité d’utiliser les profils de couleurs de leurs propres machines).
Note : dans la suite de l’article, il est possible de cliquer sur les illustrations pour les agrandir quand nécessaire.
SoftProof existe en version Mac et Windows. La suite de l’article est fondée sur l’environnement Windows et la version étudiée de SoftProof est 1.0.2376.
1 – Installation
Deux choix de téléchargements sont proposés :
- « For Windows (Installer) » : le fichier téléchargé est LRSoftProof.msi. Il suffit alors de double-cliquer sur ce fichier pour lancer une installation automatique. Lightroom reconnaitra automatiquement le nouveau plug-in qui sera installé dans le dossier c:\Users\
\AppData\Roaming\Adobe\Lightroom\Modules (pour Windows 7). - « For Windows and Mac (Zip) : le fichier est une archive compressée qui contient le dossier de plug-in SoftProof.lrplugin que vous placerez où bon vous semble. Il faudra ensuite utiliser le Gestionnaire de modules externes Lightroom pour le faire reconnaitre par Lightroom.
La première solution est évidemment la plus simple.
2 – Interface
Une fois l’installation effectuée, l’appel de SoftProof se fait, après sélection de la photo, par l’intermédiaire de Fichier > Modules externes – Extras > SoftProof ou bien par le raccourci-clavier ALT+F+S+S.
La fenêtre qui est alors affichée ressemble à celle-ci (le texte est en anglais – l’interface en français devrait être disponible d’ici peu – nous nous y employons !) :
A première vue, il se passe bien quelque chose ! Car la photo de droite, sensée simuler un profil PhotoWeb standard montre bien une différence de reproduction par rapport à l’original de droite.
3 – Détails de l’interface et fonctionnalités
- En haut à droite, « Controls » : les réglages proprement dits
Fig. 2 – Controls
Quand la case « Filter Profiles » est cochée, les menus déroulants « Monitor » et « Printer » n’affichent, respectivement, que la liste des profils correspondant à un écran et la liste des profils correspondant à un périphérique de sortie (imprimante, etc).
Si cette case n’est pas cochée, l’intégralité des profils est affichée pour les deux menus déroulants [b].
Dans le cas présent, nous avons choisi le profil de l’écran créé après étalonnage à l’aide d’une sonde (ColorPlus.icc).
Ce point est particulièrement important car le « soft proofing » ne peut avoir de sens que si il est fait sur un écran étalonné.
Puisque notre intention est de simuler à l’écran ce que donnera un tirage chez Photoweb, pour le profil de sortie, nous avons choisi l’un des trois profils disponibles sur le site de Photoweb (dans le cas présent, le profil standard pour photo classique).
Le menu « Intent » comporte deux choix : « Perceptual » et « Relative » (comprendre : colorimétrie relative). Nous l’avons vu dans l’article précédent, il s’agit ici de définir comment sera fait le passage d’un espace de couleur à l’autre.
C’est généralement le mode « Perceptual » qui sera utilisé. Cependant, comme le suggère Jean Delmas dans son livre « La gestion des couleurs pour les photographes », il convient de tester l’un ou l’autre car chacun d’eux peut convenir plus ou moins bien à un type donné de scène.
Lorsque la case « Gamut warning? » est cochée, toutes les couleurs de la photographie qui ne pourront être reproduites fidèlement (rappelons-le, le média de sortie – l’imprimante – possède généralement une capacité limitée de reproduction des couleurs) seront signalées par incrustation de la couleur choisie dans la case adjacente. Comme illustré sur la fig.3 ci-dessous.
Fig.3 – Illustration de la limite de reproduction du profil PhotoWeb standard
La case « Black-point compensation?« , lorsqu’elle est cochée, indique à SoftProof (même réglage que celui présent dans Photoshop) de faire correspondre les tons les plus foncés de l’espace de départ avec ceux de l’espace d’arrivée. A n’utiliser que dans le cas d’une sortie vers une imprimante utilisant des couleurs CMJN.
La case « Simulate paper white?« , lorsqu’elle est cochée, indique à SoftProof de tenir compte de l’écart entre les blancs d’un écran (la photo est « éclairée par derrière ») avec les blancs du papier (la photo est éclairée par devant). En cochant cette case, la luminosité est simplement diminuée de 10% pour tenir compte de l’éclairage par réflexion dans le cas du papier.
Lorsque cette dernière est cochée, la fonction « Gamut Warning? » n’est plus accessible.
- En haut à gauche, « Presets » : raccourcis vers les profils de sortie préférés
Fig.4 -Raccourcis vers les profils préférés
SoftProof offre ici la possibilité d’accéder rapidement à quatre profils préférés. Une fois défini dans la partie »Printer » de la section « Controls« , il suffit de cliquer sur l’un des quatre boutons « Set » pour l’affecter. Le bouton « 0. Orig. » permet simplement de mettre à l’identique l’original et la simulation.
Les pré-réglages ainsi définis sont accessibles via les raccourcis-clavier ALT+0, ALT+1, etc.
4 – Interaction avec Lightroom
L’une des fonctionnalités intéressante de SoftProof est la possibilité de sauvegarder et d’empiler avec la photo d’origine le résultat de la simulation. Pour cela, il suffit de cliquer sur le bouton « Save and Stack » situé en bas à droite de la fenêtre.
Fig.5 – Enregistrement et empilement de la simulation
Lorsque l’on sauvegarde la simulation, un fichier jpg est créé et empilé avec la photo d’origine dans le module Bibliothèque de Lightroom.
SoftProof pousse le raffinement jusqu’à indiquer le nom du profil utilisé à la suite du nom du fichier d’origine, comme on peut le voir sur la Fig.6.
Fig6.- Photo d’origine et simulation empilées avec extension modifiée
À partir de ceci, on peut tout entreprendre dans Lightroom, en particulier utiliser la fonction de comparaison, comme illustré sur la Fig.7.
Fig.7 – Affichage de l’original à côté de la simulation
5 – Proposition de « workflow » et ses limites
Contrairement à Photoshop, l’association Lightroom/SoftProof, ne permet pas de faire une simulation en temps réel de l’espace de sortie ciblé.
Il faut donc garder à l’esprit qu’il est inutile d’essayer de retoucher le fichier jpg engendré, puisque cette retouche sera nécessairement faite dans l’espace de couleur de Lightroom/écran et non pas dans celui de l’espace de sortie.
On est donc face à un processus en boucle ouverte.
Si l’on souhaite améliorer le résultat, il faudra retoucher l’original dans Lightroom, à l’aveugle, pour modifier en conséquence la simulation.
Pour conserver la trace des diverses retouches qui seront faites par tâtonnements sur l’original, on pourrait utiliser la fonction de copies virtuelles offerte par Lightroom. Malheureusement, lorsque l’on utilise SoftProof sur une copie virtuelle, il semble impossible de sauvegarder (et empiler) le fichier jpg engendré.
Ce défaut est corrigé dans la version de test 1.0.2402 (21-12-2010) non encore rendue publique.
L’autre possibilité est d’utiliser la fonction « Instantanés » dans le module Développement de Lightroom.
Quoiqu’il en soit, si l’on constate que l’épreuve (la simulation) manque de saturation, il ne servira à rien d’effectuer un développement plus saturé de l’original. L’espace de couleur de sortie ne pourra de toute façon pas mieux afficher des couleurs qui étaient moins saturées dans le développement de départ.
Il est préférable de détecter la présence de couleurs non rendues correctement (des verts qui sont devenus bleus, par exemple) et, paradoxalement, de dé-saturer ces verts dans le développement de l’original afin qu’ils soient reproduits dans leur valeur d’origine.
Il est par contre possible de développer l’original en exagérant le contraste (curseur ou courbe) pour obtenir un meilleur résultat.
6 – Conclusion – avantages et inconvénients de SoftProof
Tant que Lightroom n’offrira pas de possibilité de « soft proofing », le plug-in développé par Jim Keir rendra de bons services aux photographes soucieux de la qualité de leurs tirages.
SoftProof permet aussi à ceux qui possèdent un écran « wide gamut » de simuler la façon dont la majorité des autres personnes verront leur photographie sur un écran plus standard, en utilisant l’espace de sortie sRGB (ne pas cocher la case « Filter profiles » pour qu’il soit accessible dans la liste « Printer« ).
L’inconvénient majeur de SoftProof est de ne pas permettre de d’effectuer les corrections appropriées en temps réel. Il faudra retoucher l’original en tâtonnant jusqu’à arriver au résultat satisfaisant.
7- Remerciements
Nous tenons à remercier tout particulièrement l’auteur de SoftProof, Jim Keir, qui nous a offert gracieusement une licence du plug-in afin de pouvoir rédiger cet article après essai en « vraie grandeur ».
Notes techniques
a) SoftProof repose sur LittleCMS, moteur « open source » sous licence « MIT LICENSE » de gestion des espaces de couleurs développé par Marti Maria…
b) Il est possible de rajouter des profils, qui deviendront visibles par SoftProof. Il suffit de les placer dans le dossier
c:\Windows\System32\spool\drivers\color
Bonjour,
Je débarque longtemps après la bataille… mais bon je viens seulement d’acquérir ce module (1.0.2402) et sa licence qu’il est le seul moyen de se faire une idée.
Dans la configuration du module je ne comprends pas trop les options « Continuer la journalisation » et « Forcer CMS dans le dialogue » ?? (j’ai tout coché sans savoir). Une idée?
Sinon, concernant les utilisateurs Mac, il se peut que les profils ICC de l’imprimante n’apparaissent pas dans les contrôles du module (menu déroulant Imprimante).
Normal, ceux-ci ne sont pas dans Bibliothèque/Colorsync/Profiles mais se trouvent dans Bibliothèque/Printers/Imprimante/ (remplacer Imprimante par votre marque et fouiller dans les sous-dossiers). Chez moi je suis allé jusqu’ici :/Bibliothèque/Printers/Canon/BJPrinter/Resources/ICCProfiles et j’ai encore du « Voir le contenu du paquet » (MG5200series.canonicc) pour trouver mes profiles et les copier dans Bibliothèque/Colorsync/Profiles afin qu’ils apparaissent dans le module Softproof (ouf!).
Sinon, en dépit de ses limitations, mais aussi de celles de LR et de la méthode du softproofing en général, ce module peut aussi être très utile pour juger du rendu d’un papier et le comparer à d’autres (essayez entre autres avec Ilford et ses profiles que l’on trouver sur le site de la marque et comparer avec les profiles de votre marque d’imprimante et de ses papiers). Rien que pour ça, ça vaut le détour dans la mesure où l’on peut ainsi s’éviter des dépenses inutiles.
Autre chose enfin, grâce à ce module qui permet d’empiler la visualisation, LR fait un poil mieux qu’Aperture et son « Épreuvage à l’écran » (fonction que l’on retrouve aussi au stade de l’impression avec les options de rendu).
Oups…
Je n’avais pas vu qu’il y avait des questions dans ton commentaire, Thierry L (2 mois après = mieux vaut tard que jamais) !
Pour la première, je pense qu’il s’agit de la journalisation des opérations effectuées par le plug-in, dans un but de « débugage ».
Pour la seconde, je pense qu’il s’agit de forcer (comme son nom l’indique) l’utilisation de LittleCMS comme moteur de gestion des couleurs et non pas celui natif de l’OS.
Bonjour,
Je viens par hasard de découvrir l’existence de ce plug-in.
Je possède une license de LR 6.14 qui permet le softproofing, mais ne prend pas en compte les profils CMJN que certains labos de tirages en ligne mettent à disposition (par exemple tirages dibond chez Zor).
Est ce que SoftProof prend en compte ces profils?, si oui, et si il est compatible avec LR6, il apporterait une solution intéressante à ce problème.
Merci d’avance pour la réponse.
Cordialement.